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Paris se soulève
le 18 mars 1871

La Commune
La guerre civile
est déclarée

En ordonnant à l'armée de s'emparer des canons de Paris, rassemblés essentiellement sur la butte Montmartre, Thiers provoque l'insurrection: c'est I'« étincelle dans la poudrière » (Hugo).
La Garde nationale et la population descendent dans la rue. Les généraux Thomas et Lecomte sont fusillés et les quartiers populaires se couvrent de barricades.

Le mauvais réveil du 18 mars 1871

L'aurore du 18 mars va se lever sur la Butte où, battant la semelle, un factionnaire transi veille aux canons. Soudain, le garde national, un nommé Turpin, a cru discerner dans l'ombre des reflets d'armes, une ascension furtive.
A son cri répond une décharge : il s'abat sur une des pièces.
Depuis deux heures du matin, toute la division Susbielle a quitté ses casernements, enveloppant Montmartre en un mouvement silencieux. Trois mille hommes des brigades Lecomte et Paturel gravissent les ruelles obscures. Des gendarmes et des sergents de ville les précèdent : les consignes sont chuchotées, les pas sourds troublent à peine la quiétude du quartier endormi. Thiers a donné des ordres formels : l'armée doit se saisir de toutes les batteries et les diriger vers l'esplanade des Invalides. En ce moment même des colleurs d'affiches placardent dans toute la ville sa proclamation : Les canons vont être rétablis dans les arsenaux et, pour exécuter cet ordre, le gouvernement compte sur votre concours. Que les bons citoyens se séparent des mauvais.
Presque sans coup férir, Paturel occupe le Moulin de la Galette; Lecomte s'installe au Château-Rouge où accourt le maire du XVIIIe, Georges Clemenceau. Criant d'abord au parjure, à la violation des accords presque conclus, celui-ci se résigne, hausse les épaules et dit au général ces mots qu'on retrouvera, griffonnés au crayon sur une feuille de carnet, dans le portefeuille troué d'une balle : « Vous avez pris les canons ? Gardez-les... Je réponds de la tranquillité du quartier. »
Or le quartier s'éveille, s'émeut, bientôt gronde. Accourue dès les premiers coups de feu au poste de la rue des Rosiers, Louise Michel panse sommairement Turpin puis, cachant sous son manteau une carabine, elle dévale les ruelles en criant : « Trahison ! » court alerter ses camarades du Comité de vigilance et, avec Ferré, remonte au pas de charge tandis que s'enfle une énorme rumeur. Le tocsin affole les citoyens, les tambours battent le rappel. Les baïonnettes des lignards s'abaissent devant les ménagères en quête de lait, des pantalons rouges refoulent les premiers gardes nationaux qui, gourds encore de sommeil, couraient aux nouvelles en boutonnant leur tunique.

Trois fois, le général Lecomte commande le feu

Mais les heures passent et la troupe s'impatiente. Le commandement n'a prévu ni vivres ni attelages. Depuis plus de quatre heures, les chevaux se font attendre. Les soldats frissonnent, grognent, acceptent ici un coup de rouge, là une tasse de café que leur tendent les commères. Une modiste de la rue Tholozé embrasse un lignard rougissant, une poissonnière de la rue Lepic morigène des fantassins penauds. Louise mène un groupe de citoyennes qui, montrant le poing aux officiers, se fraient un chemin dans les rangs hésitants des compagnies. Et soudain c'est la confusion totale :
« Plus souvent qu'on s'entre-tuerait entre fils du peuple ! » clame un soldat du 88e...
De la foule et de la troupe, les bravos fusent. Les sergents de ville disparaissent, happés par la masse; un vieux blanquiste aux moustaches gauloises, hissé sur les épaules d'un énorme garçon boucher, exhibe jovialement des menottes de gendarme. Lecomte, atterré, envoie son officier d'ordonnance chez Susbielle, place Pigalle, lui glisse son revolver dans la main et murmure :
« Je crains que la vue de cette arme ne m'attire des malheurs... »
Les tambours populaires roulent frénétiquement. Le 157e bataillon fédéré surgit, crosses en l'air, gravissant les pentes en criant : « Vive la ligne! » Il s'empare du colonel du 88e. Les hommes crient vaguement : « Ne faites pas de mal à notre colonel ! » et restent l'arme au pied. Le képi à feuilles d'or de Lecomte se noie dans la cohue. Pressé de toutes parts, trois fois le général commande le feu. Pas une arme ne s'abaisse.
« Vous ne voulez pas vous battre, tas de canailles ! »
Alors, des rangs monte un cri impérieux, lancé par le sergent Verdaguer qui paiera ces mots dans la fosse commune de Satory :
« L'arme à terre ! »
C'est fini. Le 88e se dilue dans la foule, des mères tendent aux soldats leurs marmots en des gestes bibliques, des fillettes se coiffent de képis, les fédérés empoignent les gendarmes prêts à faire feu dans des encoignures; Lecomte est saisi et traîné jusqu'au Château-Rouge.

A mort, les fusilleurs !

Execution des généraux Clément-Thomas et Lecomte pendant la Commune de 1871
Cependant du Château-Rouge à la Butte, un cortège se fraie difficilement un chemin dans les rues en pente que barrent des soldats débraillés, des poissardes à flingot, des fanfarons avinés. Les plus enragés sont les déserteurs du 88e; les fédérés encaissent leurs coups en protégeant le général Lecomte dont le képi doré s'agite dans la cohue. Au 6, rue des Rosiers, le comité est introuvable mais la cour est bondée de lignards forcenés dont l'un jubile avec un rire gloussant :
« Ah! Ah! V'Ià le salaud qui m'a collé trente jours! »
Au péril de leur vie, les gardes nationaux refoulent la meute qui, pour mieux guetter son gibier, brise les vitres de la maisonnette. Des fusils pointent par les embrasures. Soudain, vers cinq heures, la foule éclate en huées. Un vieillard à barbe de grand-père, vêtu de noir et portant gibus, est jeté si violemment dans le poste que la porte cède. Reconnu en civil rue des Martyrs, c'est le général Clément Thomas. Nommé à la tête de la garde nationale en novembre, en janvier il a mis hors la loi les blanquistes insurgés. Mais surtout, en 1848, il a participé à la répression et ce sont les vieux barricadiers de juin qui, aujourd'hui, veulent venger sur lui la défaite de leur jeunesse :
« A mort, le fusilleur ! »
Les fédérés tentent l'impossible. Le lieutenant Simon Mayer est roué de coups, l'officier garibaldien Kadanski est jeté à terre, la foule lapide le capitaine des francs-tireurs Herpin Lacroix qui, juché sur un balcon, s'efforce de la calmer. Dix bras, vingt bras empoignent Thomas, le jettent entre deux pêchers dans un jardin de guinguette. Qui fait feu ? Le peloton improvisé, les tirailleurs perchés jusque sur les murs; tout le monde... Jeté à terre, le vieillard est encore criblé de balles. Dans le poste, un caporal de chasseurs et deux moblots agrippent Lecomte, d'une bourrade le lancent en avant, lui tirent dans le dos. Il se relève, titube, se plie en deux sous les projectiles et s'abat, visage contre terre. Ce soir, on vendra cinquante centimes les boutons de « la capote à Lecomte » et les balles détachées du mur, souillées de plâtre et de sang.
C'est fini. Paris appartient aux insurgés. A seize heures douze, le général Valentin mandait à Vinoy : « Suis sans nouvelles gouvernement. » A dix-huit heures, il évacuait la préfecture. Depuis la fin de l'après-midi, la garde nationale occupe les ministères, les états-majors, l'École militaire et la caserne du Prince-Eugène où les lignards vendent leur chassepot pour dix francs. Papiers de l'État, caisses publiques, or de la Banque, Thiers lâche tout, pour mieux le reprendre... Jules Ferry, maire de Paris, qui ne pouvait se résoudre à abandonner le vieux palais et ses symboles, a dû fuir par une fenêtre de derrière, vers vingt-deux heures, en voyant cerner l'Hôtel de Ville par les patrouilles de Brune!, chef de la 10e légion.
Respirant des senteurs de victoire et de printemps, les fédérés déambulent, avantageux, dans les rues de la ville. Ils sont des milliers qui applaudissent le Polonais Okolowicz, commandant des Volontaires de la France, accrochant un drapeau rouge au poing du Génie de la Bastille; des centaines qui, recrus de fatigue, s'endorment à même le sol, entre des faisceaux, dans la cour de l'Hôtel de Ville.

L'évacuation de Thiers à Versailles

La journée du 18 mars 1871
Au Moulin de la Galette, le 17e chasseurs met trois quarts d'heure à atteler, sous une grêle de pierres et de bouteilles, les quelques chevaux enfin arrivés. Rue Lepic, les manifestants assaillent le convoi glissant sur le pavé gras, coupent les traits, enveloppent une compagnie du 76e de ligne qui se débande. Frappé d'un coup de crosse, Paturel lâche pied; les canons sont repris, traînés sur la Butte parmi les ovations. Place Pigalle, les chasseurs à cheval se mutinent; place Blanche, Vinoy se replie en hâte, perdant son képi.
A onze heures, la division Susbielle n'existe plus, le reste de la garnison ne vaut guère mieux. Lignards et chasseurs, mêlés aux fédérés, campent chez les marchands de vins où les dames des comités (A votre bon coeur!... Merci, citoyen !...) font la quête pour les soldats affamés, plus encore assoiffés.
Ivre de joie, déguisée en garde national et plus décoiffée que jamais, une flamme mystique brûlant ses yeux de dévote laïque, Louise Michel étreint un vieux brave du 68e bataillon de marche et s'écrie : « La révolution est faite ! »
Au premier étage du Quai d'Orsay où les ministres guettent la rumeur de la rue, depuis midi c'est le désarroi. La lippe de Favre s'allonge dans son collier de barbe. Jules Simon blêmit et s'efface de la fenêtre chaque fois qu'un détachement de fédérés en armes passe le long de la Seine en lançant des quolibets vers les salons ministériels.
Impérieux et trotte-menu, Thiers surgit. On l'écoute. On se récrie : « Abandonner Paris aux émeutiers ? »
Mais le petit homme balaie les objections :
« Il faut entourer l'Assemblée, lui faire un rempart de notre corps! Elle est la France... On ne combat pas Paris dans Paris... Faisons le vide !... »
Des huées, des roulements de tambours sur le quai persuadent les hésitants. A Dieu vat! Vinoy endosse son pardessus à Thiers qui, dans un brouhaha d'adieux, s'éclipse par une porte dérobée, rejoint sa voiture et :
« A Versailles. ventre à terre ! »
bas
Le mot Commune :
Synonyme de municipalité, le mot vient du Moyen Age et du grand mouvement d'autonomie des villes
(italiennes et flamandes en particulier) au XIIe siècle.
En 1871, il renvoie, avec une majuscule, à celle de Paris,
la Commune insurrectionnelle mise en place le 10 août 1792, jour de la chute de la monarchie et qui détient
la réalité du pouvoir jusqu'à l'élection de la Convention.
Elle est remplacée en 1795 par douze municipalités distinctes. L'idée d'une organisation communale politique et sociale de la République circule dans les années 1860 dans les milieux socialiste et communiste.